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Jean-Claude Mattrat - Frankreich
Brief vom 07.03.2004
Übersetzung (Auszug): Cornelia Göbel
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Originaltext
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Warum mache ich Künstlerbücher?
Um mich nicht in endlosen Definitionen zu verlieren - ich glaube, Bücher zu machen, die nicht genau
zu bestimmen sind. Mein Haupinteresse ist die Herstellung von Bildern durch die Mittel ihrer
Reproduktion. Nichts geht der Inangriffnahme eines Buches voraus, ich zeichne oder male weder
vorher, noch währenddessen, noch nachher. Ich lege die Formen als Serigrafie fest, Formen, die hohl
sind, die wie die Ideen sind, das heißt nicht existent, das Materialisieren dieser Formen durch
das Drucken erlaubt mir, sie zu sehen, sie zu kennen, sie zu erproben, sie zu besitzen und
so die Ausarbeitung des Bildes in Gang zu setzen.
Das Verhältnis zwischen Text und Bild?
Caprice Ich habe einen Text von einer gewissen Länge bei einem Schriftsteller (Martin Ziegler)
bestellt, als die Bilder des Buches schon gedruckt waren. Der Autor des Textes hatte die Bilder
nicht gesehen; es ist seine Art, die Worte auszuarbeiten, sie zu konstruieren, die mich
interessierte, da sie mir meiner Art nahe schien, die Bilder zu konstruieren. Ich habe seinen Text
benutzt, wie ich die Tuschefässer benutzt habe, das heißt, indem ich ihn auf dieselbe Weise
dehnte, zerlegte, formte wie die Bilder. Ich ließ seinen Text ins Deutsche übersetzen, dann ließ
ich den deutschen Text ins Französische übersetzen, um die deutsch-französische Herkunft Martin
Zieglers widerhallen zu lassen ...
Soi-même Das ist ein Buch, das sich allein betrachtet, es hat niemanden nötig, um gesehen zu
werden. In der Tat - wenn es geschlossen ist, kann es sich selber sehen dank der Spiegelseiten,
die in das Buch eingefügt sind. Wenn man es schnell betrachtet, könnte es scheinen, dass es keine
Wörter oder keinen Text hat. Dennoch sind von Zeit zu Zeit auf den transparenten Seiten Anagramme
gedruckt: dans MA MEMOIRE il y a MA MERE et MOI (in meiner Erinnerung gibt es meine Mutter und mich)
oder auch une PIE hors de son REPAIRE c'est RARE (eine Elster außerhalb ihres Schlupfwinkels ist
selten). Die Wörter werden da noch wie eine Materie gebraucht, eine Materie, die ihres Sinngehalts
zu entleeren ist, eine Materie, die mit (neuem) Sinn zu erfüllen ist.
Zwischen Juli 1998 und Januar 2002 habe ich vier Namen benutzt, um die Bücher, die ich gemacht
habe, zu signieren: Claire Villanneau, Luc Roux, Franck Grignoire und Pierre Bossuet; das sind
keine Pseudonyme oder Heteronyme, sondern Synonyme meines Namens, denn ich habe die Vornamen
meiner Brüder und meiner Schwester wieder aufgenommen und daran die Namen meiner Großeltern
mütterlicherseits und väterlicherseits angehängt.
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Originaltext
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Pour Reinhard Grüner
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pourquoi faire des livres d'artistes? :
à moins de rentrer dans des définitions sans fin, je pense que je fais des livres
sans qualificatif.
Mon intérêt principal est la fabrication des images par
les moyens de leur reproduction. Rien ne précède la mise en oeuvre d'un livre, je ne
dessine pas, je ne peins pas avant, pendant ou après.
J'établis des formes en sérigraphie, formes qui sont creuses,
qui sont comme sont les idées, c'est-à-dire inexistantes, le fait de matérialiser
ces formes en les imprimant me permet de les voir, de les connaître, de les éprouver, de les
posséder et ainsi de mettre en mouvement l'élaboration de l'image.
La relation entre le texte et l'image ? :
Caprice J'ai commandé une certaine longueur de texte à un écrivain
(Martin Ziegler) alors que les images du livre étaient déjà imprimées.
L'auteur du texte n'avait pas vu les images, c'est sa façon de travailler les mots, de les construire
qui m'intéressait car elle me semblait proche de ma façon de construire les images.
J'ai utilisé son texte comme j'ai utilisé les pots d'encre, c'est-à-dire
en l'étendant, le découpant le formant de la même façon que les images.
J'ai fait traduire son texte en allemand puis j'ai fait traduire le
texte allemand en français pour faire écho à l'origine germano-française de
Martin Ziegler...
Soi-même c'est un livre qui se regarde seul, il n'a besoin de
personne pour se voir en effet quand il est fermé il peut se voir lui-même grâce
aux pages miroirs intercalées dans le livre. En le regardant vite il peut sembler ne pas
y avoir de mots ou de texte. Pourtant de place en place sur les pages transparentes sont
imprimées des anagrammes: dans MA MEMOlRE il y a MA MERE et MOI, ou bien une PIE hors
de son REPAIRE c'est RARE. Les mots sont là encore utilisés comme une matière,
une matière à vider de son sens, une matière à remplir de sens.
J'ai utilisé entre juillet l998 et janvier 2002 quatre noms pour
signer les livres que je faisais: Claire Villanneau, Luc Roux, Franck Grignoire et Pierre Bossuet,
ce ne sont pas des pseudonymes ou des hétéronymes mais des synonymes de mon nom car
j'ai repris les prénoms de mes frères et de ma soeur en y ajoutant les noms de mes
grands-mères maternelles et paternelles.
Répondre à des questions sur mes livres, sur les livres
en général, sur les livres d'artistes en particulier me plonge toujours dans en
grand désarroi ou dans un abîme insondable, cest pour cela que je vous fais parvenir le
texte ci dessous qui est pour moi la meilleure réponse que je puisse faire.
Il s'agit de la présentation d'une manifestation plastique, d'un dialogue que nous tenons
François Righi et moi à propos des livres.
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UNE LECTURE MUETTE
Jean-Claude Mattrat (Iconomoteur) & François Righi
(D'ailleurs-l'image)
- 26 nappes de coton écru, ourlées, de 140 centimètres
sur 200 centimètres, sur lesquelles sont sérigraphiées en gris foncé,
autant de brèves formules évoquant le sens, l'usage ou la conception du livre. Les
mots sont lisibles frontalement sur la partie tombante de la nappe.
- 2 tables d'environ 120 sur 60 centimètres et 75 centimètres de hauteur. Au départ,
disposées les unes sur les autres, les nappes sont recouvertes d'un linge plus petit, mais
suffisamment grand pour masquer la première formule.
Les opérateurs sont deux. Ils se tiennent de part et d'autre de
la table, se saisissent silencieusement de la première nappe, reculent, la plient avec soin,
puis la posent sur la seconde table située en retrait.
Après un temps, bref mais nécessaire à la lecture,
ils plient la deuxième nappe, et ainsi de suite sans autre commentaire jusqu'à la
vingt-sixième,
À la fin la table reste nue.
Tout a commencé avec l'idée de Jean-Claude Mattrat d'imprimer
sur une nappe une phrase trouvée dans un livre anglais : Gustave Flaubert remarked more
than a Century ago that it was high time to get rid of the absurd notion that "books dropped
like meteorites from the sky". Suite à l'impression de cette nappe, je lui envoyai une
citation d'Elias Canetti: La meilleure définition de patrie c'est: bibliothèque.
Quand avec d'autres formules se constitua une collection de nappes, nous aperçûmes que notre
conversation à propos du livre prenait une forme plastique et ouverte que nous pouvions
assumer en tant que publication: mise à la disposition du public, elle se substituerait
efficacement à une prise de parole, toujours suspecte d'autoritarisme.
Au cours de cette lecture muette, les nappes fonctionnent comme
les devises de la Renaissance: énoncés d'une pensée sur un noeud de parole
et de chose. Une relation dialectique s'installe entre une figure simple - la table recouverte d'une
nappe -et le «mot», bref et incisif, entre le corps et l'àme, désignés ainsi
puisque l'un ne signifie rien sans l'autre.
Mais ici la figure est constante, qui porte des mots variés.
Entre texte et image se situe le geste répété du dévoilement. Celui-ci
s'inscrit dans un temps qui est semblable à celui du feuilletage d'un livre. Pas d'image:
le geste y supplée qui anime ces «corps».
On peut rappeler qu'impresa est en italien le terme qui désigne
la devise, et que, pour les étymologistes, le mot français de «devise» est lié au
verbe deviser, qui anciennement signifie: former un dessein. Il signifie aussi diviser, car diviser
dessine, et permet de compter, donc de «se faire une idée» de ce qui, par exemple, dans le
temps de la monstration des nappes, nous occupe. II faut insister là-dessus: une
devise était dite «Imparfaite» lorsqu'elle se réduisait à une figure
muette.
Elle devait être peinte, figure et mot, sur I'habit ou le bouclier. Dans ce sens, l'imperfection
des nappes ne leur permet de prendre figure, pour grimacer, que dans le temps nécessaire
à leur dévoilement.
D'où vient l'idée d'une telle démonstration? II ne faudrait
être ni trop clair ni trop obscur pour bien parler de ce que disent mieux les livres que nous
faisons, car l'imperfection de ces deux éclairages mettrait à mal l'évidence -
l'évidence du sujet -, dont on sait qu'elle gêne les commentateurs. Or, laissant
cela aux théoriciens (qui ne manquent pas de nous définir, qui veulent toujours
nous imposer leurs définitions), nous ne délivrons pas plus de commentaires que
nous ne défendons de thèses.
Le signe doit être l'indice sensible d'une chose qui ne tombe
pas sous le sens. Nous parlons entre nous, mais nous n'élaborons pas de théories.
Le sens de ce que nous faisons se trouve dans les indices suscités auparavant, malgré
nous, pendant que nous parlions. C'est pour cela que nous conservons des traces de notre
conversation.
Notre plus récent échange prit le prétexte d'un
petit livre d'Alcuin, Le dialogue du jeune prince royal Pépin avec le maître Albinus.
En marge de l'avant-dernière question, Quid est tacitus nuncius?, j'avais noté
Mutus Liber, pour le plaisir d'évoquer la quatrième planche du grimoire
hermétique de La Rochelle, où l'on voit cinq draps - mais il pourrait s'agir de
nappes - exposés à la rosée d'une aube printanière, Jean-Claude
Mattrat me répondit en modifiant les trois dernières propositions, qu'il
retraduisit au crayon en bas de page:
- Qu'est-ce qu'un messager silencieux?
- Ce que je tiens.
- Que tiens-tu?
- La lettre.
C'est ainsi que cela pourrait finir; puisque la première question du
prince était: Qu'est-ce que la lettre?
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